Récit de la construction de mon expérience professionnelle
(Extrait de ma VAE rédigée en 2013-2014)
Mis à part quelques jobs d’été, j’ai commencé ma vie professionnelle en tant qu’infirmière dès l’obtention de mon Diplôme d’État en 1980. Pour diverses raisons, j’ai eu la chance d’exercer ce métier dans des contextes variés et dans des régions différentes (Metz, Clermont-Ferrand, Nevers, Marseille, Nancy). Cette expérience, bien qu’elle ne soit pas en lien direct avec mon métier actuel, m’a néanmoins apporté des connaissances sur différents types d’organisations du travail, d’environnements et bien entendu sur les métiers de ce domaine. Sans compter l’enrichissement personnel lié aux relations humaines avec des patients de toute origine, et au fait de côtoyer de près ce milieu, d’autant plus que j’ai eu plusieurs mandats en tant que représentante du personnel. Un des grands avantages de cette profession c’est sa diversité et ses nombreuses offres d’emploi. J’ai ainsi pu reprendre des études tout en travaillant, essentiellement de nuit. Étant seule avec un enfant et ne connaissant pas le Congé Individuel de Formation, à l’époque, je n’imaginais même pas procéder autrement. Je souhaitais me réorienter, sans projet précis. N’ayant pas le baccalauréat, puisque j’avais arrêté le lycée après la première, j’ai commencé par l’Examen Spécial d’Entrée à l’Université, obtenu en 1986. Le fait d’avoir une activité plus “intellectuelle” m’a montré à quel point j’en avais besoin. Quand je me suis inscrite en psychologie, je ne savais pas jusqu’où me mèneraient ces études. Je pensais naïvement, que je serais bloquée à un moment du parcours, ce qui délimiterait mes possibilités. Or, j’ai réussi à aller au bout de ce cursus universitaire. Durant celui-ci, j’ai découvert la psychologie sociale qui m’a passionnée : c’était d’ailleurs ma dominante en maîtrise. Mais, je souhaitais néanmoins exercer dans le domaine clinique, d’où le choix de mon DESS.
Même si la période de mes études n’a pas été simple, mon insertion professionnelle s’est révélée bien plus compliquée. Hormis un CDD de 4 mois à 1/3 temps dans un Institut Médico-Éducatif, peu après l’obtention de mon diplôme, j’ai surtout décroché des vacations, dont la majorité au sein d’un organisme de formation de travailleurs sociaux. J’y ai dispensé différents cours en relation avec la psychologie et participé à la sélection des candidats en tant que jury.
Au bout de trois ans, je décide de faire un bilan de compétences afin d’éclaircir ce qui ne fonctionne pas dans ma recherche d’emploi. C’est grâce à ce bilan que je débute comme conseillère-bilan. En effet, le conseiller m’a proposé, en conclusion du bilan, de le remplacer durant son départ en Congé Individuel de Formation. J’ai ainsi eu l’opportunité de m’orienter vers ce domaine au sein de deux Centres Pluridisciplinaires de Bilan (Moselle Est et Moselle-Ouest) dont faisait partie la Chambre de Métiers de Metz où j’avais fait mon bilan. Il s’agissait de vacations, encore une fois, mais cela ne me dérangeait pas : je prenais cette nouvelle activité comme une expérience professionnelle supplémentaire, en attendant de trouver un “vrai poste” de psychologue clinicienne dans le secteur social, et d’arrêter de travailler comme infirmière. Cette proposition m’a beaucoup valorisée, mais je n’étais pas persuadée de ma légitimité dans ce domaine en tant que clinicienne, même si je n’étais pas la seule dans ce cas. Malgré ce sentiment et les remarques de mes collègues et supérieurs sur ma spécialité, je me suis de suite investie dans cette nouvelle activité que j’ai trouvé très intéressante.
Faire partie de deux Centres Pluridisciplinaires de Bilan (CPB) m’a aidée à prendre mes marques grâce au travail d’équipe. Ces deux organismes recueillaient les demandes de bilan et les dispatchaient vers les organismes appartenant au réseau : j’ai donc été amenée à travailler avec des conseillers venant d’autres établissements (Chambre de Commerce, CIO, organismes de formation). Les demandes de bilan émanaient de salariés, de demandeurs d’emploi ou d’organismes d’insertion (ANPE, missions locales, structures dédiées au handicap, etc.). J’ai donc démarré cette nouvelle activité avec des publics de provenances diverses, ce qui n’avait d’ailleurs que peu d’impact sur le travail effectué puisqu’à l’époque le BCA (Bilan de Compétences Approfondi de l’ANPE) n’existait pas. Outre la situation de la personne, les différences relevaient essentiellement du financement (du bilan et des formations éventuelles pour le bénéficiaire) et de la destination de la synthèse (en cas de convention tripartite avec l’ANPE, la Mission Locale ou autre, ces organismes pouvaient en obtenir une copie si le bénéficiaire ne s’y opposait pas, ce qui pouvait être l’occasion d’échange avec ces prescripteurs).
Je réalise aujourd’hui à quel point ce début au sein des CPB a été favorable à ma formation de conseillère-bilan, même si ma pratique a évolué par la suite. En effet, les réunions régulières de tous les intervenants permettaient de recueillir de nombreuses informations et d’échanger sur nos pratiques. Ma formation de clinicienne m’a rendue active sur ce dernier point puisque j’ai impulsé une méthodologie pour aborder les situations qui posaient problème en adaptant la méthode des “études de cas” que j’avais étudiée en DESS pour la proposer à l’équipe qui l’a testée sur plusieurs séances. En plus de ce travail d’équipe, l’appartenance à ces CPB permettait de bénéficier de formations, ce dont je ne me suis pas privée (bien que cela reste insuffisant à mes yeux). J’ai ainsi pu être formée au MBTI, à l’identification des compétences et à la rédaction de la synthèse. Mais c’est le travail sur la charte qualité mené par le cabinet Quaternaire qui m’a le plus aidée à avancer dans ma pratique. Pour effectuer celui-ci, il a fallu mettre à plat nos méthodes de travail, les confronter à celles des autres opérateurs, ce qui a permis d’approfondir les échanges sur nos pratiques et de se remettre en question, notamment par rapport aux critères qualité définis par Quaternaire. Personnellement, j’adhère tout à fait aux principes de cette charte qui me guident encore dans ma pratique actuelle. Je peux également affirmer que je la connais bien : En plus des deux CPB, j’ai, en effet, été associée à la démarche qualité de deux autres organismes lors de mes recrutements ultérieurs : à l’Institut National Polytechnique de Lorraine (INPL) et au CUCES (dénomination actuelle : Université de Lorraine).
Mon embauche à l’INPL a eu lieu 7 mois environ après celle de la Chambre de Métiers : j’exerçais donc dans ces deux organismes conjointement. Le public de l’INPL était différent de celui que j’accueillais généralement puisqu’il s’agissait, majoritairement, de cadres et d’ingénieurs salariés ou demandeurs d’emploi (adressés par l’APEC). Les méthodes de travail se sont également révélées différentes, notamment la durée des séances : de 1 h/1 h 30 en face à face, je suis passée à 3 h, rythme que j’ai toujours conservé par la suite, bien qu’au départ, cela me semblât démesuré.
Souhaitant me rapprocher géographiquement de mon domicile, j’ai interrompu mes vacations à la Chambre de Métiers de Metz (j’habite Nancy) et poursuivi celles de l’INPL (J’y exercerai 6 ans, en deux périodes, jusqu’à son intégration à l’Université de Lorraine). J’ai ensuite obtenu un CDD de 3 mois dans une petite structure de deux personnes (EURL Mode d’Emploi) pour accompagner des demandeurs d’emploi dans un dispositif spécifique de l’ANPE (bilan et techniques de recherche d’emploi) et travaillé parallèlement au Centre Consulaire de Formation (issu de la Chambre de Commerce et d’Industrie) durant 11 mois. C’est dans ce dernier que j’ai expérimenté le bilan de groupe avec des cadres demandeurs d’emploi. Les conditions de travail ne me convenaient toutefois pas dans cet organisme, d’où ma recherche d’un nouveau centre de bilans.
J’ai ainsi intégré l’Université de Lorraine (qui s’appelait, à l’époque, le CUCES) où j’ai activement participé au développement du centre de bilans en appui à la responsable qui l’avait créé un an auparavant. À ce moment-là, un seul conseiller bilan intervenait, et il souhaitait interrompre ses vacations. De plus, mon arrivée coïncidait avec les premiers audits de la démarche qualité indispensable à l’agrément du centre de bilans. J’ai ainsi contribué dans une large mesure à la mise en place de la méthodologie et des outils, au recrutement et à l’intégration de conseillers et accompagné la responsable lors des entretiens avec l’auditrice de Quaternaire.
Dans le cadre de ces emplois, j’ai eu l’occasion de mener quelques activités différentes bien que proches du bilan :
- Bilans d’orientation de jeunes candidats à l’apprentissage
- Bilans de jeunes en grande difficulté suivis par un organisme d’insertion (dispositif TRACE)
- Recrutement pour les usines SMART (passation et correction de tests)
- Présentation du dispositif bilan à l’Institut Régional du Travail
Sinon, tous les bilans individuels que j’ai effectués à partir de mon embauche au CCF en 2000, et jusqu’à ce jour, étaient à destination de salariés.
En 2008, au sein de l’Université de lorraine, j’ai démarré une nouvelle activité : intervenante en Point Relais Conseil (PRC) pour la VAE. Pour me former, j’ai suivi plusieurs modules dispensés en interne et par INFFOLOR (CARIF - Centre d’Animation, de Ressources et d’Information de Lorraine). Cette activité a apporté un “plus” à mon travail de bilan, tout en étant cohérent par rapport à celui-ci : je les trouve, en fait, très complémentaires. Mon expérience de conseillère-bilan m’a aidée à analyser les demandes, mieux comprendre la situation professionnelle de la personne et rapidement évaluer l’orientation la plus pertinente (les premiers conseils PRC duraient 1 h 30). D’un autre côté, ces interventions m’ont permis d’améliorer mes connaissances sur les formations, les diplômes et les sites de recherche. Sans compter l’apparition de nombreux référentiels, précieux pour l’identification des compétences en bilan.
La crise, dont j’ai ressenti personnellement les effets en 2010, avec la baisse, voire la disparition de certaines de mes activités, m’a conduite à rechercher un emploi supplémentaire dans un autre centre de bilans. J’ai donc été embauchée à la Chambre de Métiers de Laxou pour réaliser des bilans (salariés et chefs d’entreprise artisanale) et des accompagnements à la rédaction des livrets de VAE. Cette nouvelle mission me paraît là aussi en continuité avec mon expérience de bilan et de PRC, avec un atout supplémentaire qui provient d’une de mes activités bénévoles : mon implication, d’une durée de 4 ans, sur un site de publication littéraire où j’ai développé mes connaissances en correction, mise en page et au niveau de l’aide à l’écriture.
Plusieurs éléments ont contribué à l’évolution de ma pratique en bilan, puis en VAE : en premier lieu, la richesse de mon expérience qui m’a permis de réaliser de nombreux bilans avec des personnes de tous horizons professionnels. Je dirais même que ce sont surtout ces rencontres qui ont constitué (et constituent encore) l’essentiel de mes ressources concernant les métiers, univers professionnels et systèmes d’organisation des entreprises, sans oublier ce que j’ai pu apprendre de leur vécu du travail et de la diversité de leurs parcours. Bien qu’ayant moi-même une expérience professionnelle diversifiée, j’ai beaucoup appris au contact de ces personnes.
Un autre élément, en dehors de ceux que j’ai déjà cités plus haut, a favorisé l’évolution de ma pratique : le développement des outils informatiques avec notamment Internet qui a décuplé les possibilités de recherches sur les métiers, les formations, les référentiels, etc. et qui a rendu possible la rédaction de portefeuilles de compétences numériques, par exemple.
En ce qui concerne le contexte de ma pratique de bilan/VAE, il s’est révélé assez favorable à ma progression grâce à la confiance et à l’autonomie dont j’ai pu bénéficier de la part de mes responsables hiérarchiques (responsables des centres de bilans). Je n’ai jamais retrouvé de travail d’équipe, comme à mes débuts, ce que je déplore, mais quelques échanges informels avec des collègues m’ont aidée face à des situations qui me posaient problème. En dehors de ces échanges, j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec des intervenants extérieurs comme des Responsables RH, des conseillers de l’ANPE, des Missions locales, du FONGECIF, d’organismes de formation, du DAVEN, etc. pour des informations essentiellement.
Comme précisé plus haut, mes interventions en bilan ou en VAE se sont toujours déroulées dans le cadre de vacations. Cette précarité m’a conduite à les multiplier au sein de plusieurs centres de bilan, mais aussi à diversifier mes activités vers la clinique et la formation, en particulier.
En tant que clinicienne, j’ai travaillé dans le secteur social notamment en CHRS (Centre d’Hébergement et de Réinsertion Sociale) et en Centre maternel, de 2005 à 2008. Ces expériences m’ont permis de mieux connaître le fonctionnement de ces institutions, les métiers du social et les dispositifs d’aide aux personnes (notamment la protection de l’enfance). Néanmoins, ce domaine n’était pas nouveau pour moi. En effet, outre mon stage de DESS en service AEMO (Assistance Éducative en Milieu Ouvert), j’ai animé, dès 1995, de nombreux cours à l’IRTS (Institut Régional du Travail Social) pendant 15 ans et participé à la sélection des candidats pour leur entrée en formation.
Ces cours étaient destinés à des étudiants en formation initiale, mais aussi à des professionnels en exercice (assistantes maternelles, aides médico psychologique, assistantes de vie, etc.). Hormis les connaissances sur ces métiers et leurs formations, j’ai donc pu me confronter à de nombreux groupes et passer de la théorie (dynamique de groupe, par exemple) à la pratique. Bien qu’un peu phobique lorsqu’il s’agit de parler en public, je me suis rapidement sentie à l’aise devant un groupe en formation : j’ai eu l’occasion d’expérimenter différentes situations pédagogiques et ainsi pu mieux me situer par rapport à mon style. Animer des cours suppose également de construire au préalable des supports, ce qui m’a été bénéfique pour revoir de nombreuses notions acquises lors de mes études et les maîtriser davantage. Mais aussi pour appréhender d’autres connaissances dont certaines ne faisaient pas partie de mon background, comme la préparation à la retraite, par exemple.
Parallèlement à l’IRTS, je suis intervenue ponctuellement pour d’autres organismes de formation, comme l’École des Parents et des Éducateurs, les Francas, un Institut de Formation en Soins Infirmiers, etc. mais surtout, de 1996 à 2009, dans un lycée public au sein d’une classe préparatoire aux concours. Dans ce cadre précis, je dispensais des cours d’entraînement aux épreuves des concours infirmiers et de travailleurs sociaux (tests et oraux) pour des élèves sortant de terminale. J’ai adapté ces cours pour des adultes en reconversion professionnelle lors de mes vacations en APP (Ateliers de Pédagogie Personnalisés) à l’Université de Lorraine à partir de 2004 où j’intervenais déjà en bilan.
Contrairement au bilan, mon activité de formatrice a débuté dans des conditions peu favorables et s’est améliorée par la suite. En effet, au départ, le responsable pédagogique me donnait un thème à traiter pour tel public : à moi de me débrouiller pour construire ce cours. Par la suite, j’ai bénéficié d’un travail d’équipe et même de séances d’analyse de pratique, ce qui est un confort non négligeable pour prendre du recul, s’auto-évaluer et se perfectionner. La formation implique beaucoup d’autonomie et les retours sur son travail sont surtout faits par les stagiaires.
* *
*
Il peut s’avérer difficile de repérer la chronologie de mon parcours constitué de nombreux chevauchements. Néanmoins, cette diversité s’explique en grande partie par la précarité de mon statut qui m’a obligée à cumuler les sources de revenus, mais aussi par un besoin de variété et une difficulté à supporter la routine. Malgré tout, ces activités – qu’elles proviennent des domaines de l’orientation, de la clinique, de la formation ou de ma pratique d’infirmière – se complètent et s’enrichissent les unes des autres. Ainsi de nombreux exemples issus de mon expérience dans ces divers secteurs viennent spontanément étayer mes propos en bilan, en formation ou alimenter ma réflexion.